Un festival uniquement pour les femmes

Un festival uniquement pour les femmes

Il y a quelques jours, les journaux annonçaient qu’un très gros festival de musique en Suède n’aurait plus lieu en 2018. Des dizaines de plaintes pour agressions sexuelles ont été déposées, et quatre viols déclarés ont eu lieu. Suite à ce scandale très légitime, une humoriste, Emma Knyckare, a lancé l’idée d’un festival interdit aux hommes pour 2018. L’idée récolte de nombreux soutiens de bénévoles et de professionnels du milieu. Voilà ce qu’on en pense.

Un festival, à la base, c’est quelque chose de super. On y vient pour écouter de la musique, profiter de ses potes, faire la fête… Du coup, quand on y inclut la perspective du viol, c’est tout de suite beaucoup moins sympa. Dans cette optique, fermer le festival, même si c’est dommage d’un point de vue culturel, est sûrement nécessaire pour des mesures de sécurité. Des milliers de personnes prenant leur pied devant des concerts, ça ne compensera jamais une personne se faisant violer. Ce qui interroge plutôt, c’est l’idée de monter un festival interdit aux hommes. Selon l’humoriste à l’origine de l’idée, le projet vise à donner aux femmes un espace de détente entièrement safe, sans aucun risque de viol.

Et il faut admettre que l’idée n’est pas bête. Même s’il y a des exceptions, le viol des hommes ou des femmes entre elles, est beaucoup plus rare. L’énorme majorité des agressions sexuelles sont perpétrées par des hommes sur des femmes. Soyons honnêtes, s’il n’y a pas d’hommes dans l’enceinte du festival, il y aura donc très peu de chances qu’il y ait des viols ou des agressions sexuelles. Dis comme ça, ça a l’air assez génial comme solution. Sauf qu’il y aura forcément des « effets secondaires »…

Il faut se poser les bonnes questions. Le problème vient-il des hommes ou de la présence de certains gars qui ne savent pas se tenir et qui ont viré du côté harcelements de la force ? Tous les mecs ne sont pas des violeurs en puissance. Quand un fruit est pourri dans une corbeille au marché, on ne jette pas tout le cageot pour autant, on fait le tri. Après on en convient : faire le tri entre les gars bien en festival et les gros lourds voire les violents, c’est pas facile facile. Le problème vient avant tout de l’éducation. Les mecs deviennent des agresseurs, car ils ont été habitués à considérer les filles comme des objets de plaisir. Si dès le début, on éduquait au respect de l’autre et qu’on faisant de la prévention plutôt que de ramasser les pots cassés ensuite, alors on pourrait éviter ce genre de situation. Au collège, on t’apprend qu’il faut te protéger et mettre des capotes, par contre on t’apprend pas à ne pas forcer une fille si elle dit non. C’est pourtant la condition sine qua non qui passe même avant la protection et la contraception (c’est dire si c’est important !). On te renvoie à notre article la culture du viol, si tu veux en savoir plus.

Attention, on ne déresponsabilise pas une seconde les mecs qui ont commis ces actions. On ne dédouane pas la faute, et on ne minimise pas la souffrance des victimes. Mais pour pouvoir traiter le problème, il faudrait pouvoir le traiter à son origine.

Créer un festival sans hommes, ce n’est pas cela qui réglera les choses. Le « Vrai Monde » est rempli à 50 % d’hommes, et on ne peut pas décider de se couper la moitié des êtres humains pour éviter un risque. Surtout que c’est 100 % discriminatoire ! Un peu comme le fait de faire payer les mecs en boîte ou sur les sites de rencontre, mais pas les nanas. Est-ce que ça empêche les mecs de violer ? NON ! Est-ce qu’interdire l’accès aux mecs empêchera certains de violer une nana au cours de leur vie ? Non plus ! Cela ne fera qu’augmenter les inégalités et créer un peu plus de frustrations (et donc de violences…) chez la gent masculine.

Les festivals augmentent les circonstances de risque, c’est vrai. Il y a beaucoup d’alcool, la musique s’empare du corps, on consomme peut-être des drogues… À cause de la foule, certains gars pensent qu’ils ne se feront pas remarquer s’ils pelotent une nana en plein milieu d’un concert (une honte !). Et tout ça, sont autant de facteurs qui augmentent les comportements à risque, mais il serait peut-être plus juste d’inciter au respect qu’au rejet.

Cette histoire est un cas difficile et pourtant loin d’être un cas isolé. Oui, interdire tous les hommes du festival, c’est la garantie d’un événement sans violences (ou presque), mais c’est aussi fermer les yeux sur un fait bien réel : les viols, les harcèlements sexuels sont devenus aujourd’hui monnaie courante. Éduquer en amont, virer les mecs chiants à la moindre incartade et punir très sévèrement ceux qui déconnent, oui. Mais virer tous les mecs, c’est excessif et ça finira forcément par avoir des retombées négatives. Un festival, c’est une microsociété, alors autant profiter de cet événement pour faire passer des messages forts qui puissent être le reflet de la vraie vie.

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