Les chercheurs de l’hôpital pour l’enfant de Philadelphie ont créé — accroche-toi — un utérus artificiel ! Ce fameux utérus artificiel a été testé sur des agneaux qui se développent et grandissent à leur rythme dans un laboratoire. Certains sujets qui ont été « accouchés » il y a quelques mois sont pour l’instant parfaitement normaux. De quoi halluciner un peu ! Genre on remplace le corps de la femme ou quoi ?
Pas tout à fait, car on ne parle pas de procréation ex-utéro, c’est-à-dire de conception totale d’un être vivant en laboratoire. Les agneaux ont été sortis du ventre de leur maman brebis et placés dans cet utérus artificiel au bout d’une grosse centaine de jours. Ce qui signifie qu’il leur restait environ un tiers du temps de « grossesse » à vivre dans cet utérus artificiel. Et c’est là que ça devient intéressant, puisque l’ambition de ces chercheurs est de développer cette méthode pour les fœtus humains.
Dit comme ça, on le reconnait, ça fait un peu peur. Tu imagines peut-être des usines dans lesquelles on ferait grandir des bébés dans des machines comme dans Matrix. Mais ne t’inquiète pas, ce n’est pas vraiment ça, et heureusement d’ailleurs ! Il s’agit plutôt d’utiliser cette technologie pour les grands prématurés qui naissent au bout d’une vingtaine de semaines de gestation, au lieu des quarante nécessaires pour le bon développement d’un enfant. Avant 28 semaines, les chances de survie sont minces et encore plus sans séquelles.
La solution proposée par l’utérus artificiel pourrait alors être une bonne alternative. Cela permettrait d’y mettre les fœtus nés trop tôt pour qu’ils puissent tranquillement terminer leur développement, avant de les faire « naître » pour de bon sans séquelle. Ça permettrait aussi d’épargner les enfants dont les mères ont de graves problèmes de santé ou ayant eu un accident. Les premiers essais sur des embryons humains devraient être réalisés d’ici trois à cinq ans. Un espoir pour les parents qui sont déjà passés par cette épreuve douloureuse.
Même s’il n’en est pas question pour l’instant, le risque c’est que l’utérus artificiel serve à terme de moyen de substitution à la gestation in utero. La femme ne connaîtrait donc plus l’expérience de la grossesse ? Si cela va ravir certains d’entre vous — plus de risque de voir son corps se déformer, moins de risque à l’accouchement, bref moins de contraintes pour la femme — il ne faut pas oublier que l’utérus est le lieu où le rapport intime de l’enfant et de la mère se développe pendant neuf mois. On peut donc s’interroger sur les conséquences que cela pourrait avoir sur le développement affectif de l’enfant, mais aussi sur l’impact psychologique de la mère.
Alors dans un but de sauver des vies oui, c’est vraiment incroyable, en revanche pour remplacer ce que des femmes font depuis des millénaires, c’est le meilleur moyen pour qu’on aille vers une société où la technologie remplace tout, y compris ce qui est directement en lien avec le vivant : la gestation et les émotions. Dans cette perspective, nous pourrions dire bonjour au scénario de Matrix. Espérons que cela demeure de l’ordre de la science-fiction.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais !