T’es tombé(e) amoureux(se) de Edouard/Lou. T’en es sûr(e). Partout, tu lis qu’on sait qu’on est amoureux quand on a des papillons dans le ventre et c’est papillon, tu les sens. Tu n’imagines pas que ça puisse être autre chose. Tu n’imagines même pas que dans 1 an, Edouard/Lou continuera de te snober et que t’en auras plus rien à branler. D’ailleurs, tu ne comprends même pas pourquoi un jour les gens disent s’aimer et le lendemain, ils se séparent… Ça ne peut pas !
Pourtant, l’amour ce n’est pas juste un coup de foudre. De la naissance jusqu’à ta vie d’adulte (oui, cette période où tu t’imagines dans 10 ans en tenue de travail et qui te déprime par avance…), ta façon d’aimer évolue, en même temps que tu changes. Pourtant, ce n’est pas aussi chiantissime que tu le crois. Tu l’as remarqué, tu n’aimes pas de la même façon tes parents et tes amis, ni même tes amis et Edouard/Lou. C’est différent. Et ça va continuer à évoluer jusqu’à te mener vers l’amour avec un grand A, celui que t’attends avec des yeux de gamin(e) émerveillés.
Denis Sonnet, formateur, éducateur et spécialiste de l’amour, a beaucoup réfléchi à la façon dont progresse notre amour. Voici l’évolution de l’amour, de la naissance à l’âge adulte :
La fusion :
L’amour fusion, c’est cette impression de ne plus faire qu’un avec la personne. Sans le savoir, c’est le premier amour que tu as ressenti, celui juste après ta naissance. Le bébé ne fait pas encore la distinction entre son corps et celui de sa mère, si bien qu’il aime sa mère comme il s’aime lui. Sa mère et lui sont une seule même personne…
Comme il s’agit d’un amour très fort, le premier amour de notre vie, on a envie de retrouver cette sensation de fusion dans nos relations. Cela nous manque de ne pas être en parfaite harmonie avec les autres. Même si parfois, on peut l’éprouver, il faut savoir apprendre à dépasser ce stade, tout simplement parce que l’autre ben… ce n’est pas nous !
La séparation :
Ce beau rêve de fusion ne dure pas. Un jour, le bébé se rend compte que sa mère ce n’est pas lui. Du sein, il passe au biberon, il est gardé par d’autres, il doit partager sa mère avec son grand frère, son père et d’autres membres de la famille.
Même si tu ne t’en souviens pas, le premier arrachement de la vie arrive à ce moment-là. C’est une première souffrance, mais elle fait partie d’un premier progrès : aimer quelqu’un qui n’est pas soi. Dur pour ta mère qui a pu avoir du mal à « couper le cordon » et dur pour toi si ça a été trop violent. Le sentiment de rejet ou d’abandon que tu ressens actuellement peut être dû à cette période, si la transition ne s’est pas bien déroulée…
L’amour du parent de l’autre sexe :
Ça, c’est le fameux complexe d’Œdipe. Peut-être en as-tu déjà entendu parlé. Entre 3 et 6 ans, on franchit une nouvelle étape : la différence des sexes. Tu captes que tu es un garçon ou une fille et tu comprends que ce n’est pas la même chose. Du coup, l’enfant se sent attiré par le parent qui est différent de lui. À l’inverse, il perçoit le parent du même sexe comme un rival. C’est le début de l’attirance pour l’autre sexe.
Quand l’enfant intègre le principe qu’il ne peut pas épouser son père ou sa mère, au lieu de rivaliser avec le parent du même sexe, il va chercher à lui ressembler pour être aimé de lui/d’elle. C’est alors que le garçon est heureux d’être un garçon (il veut être fort comme son papa), et la fille fière de sa féminité (elle veut être belle comme sa maman).
C’est à partir de cette période que s’établit l’orientation sexuelle.
Les copains :
Quand tu rentres à l’école, vers 3 ans, alors que tu ne connaissais encore que ta famille, tu t’ouvres à autre chose, à de nouvelles affections. Tu te fais des potes, tu tombes amoureux de ta maîtresse (Ne rougis pas, on est tous passé par là !), tu rencontres et aimes plein d’autres gens quoi ! Bonne nouvelle : tu es en train de te sociabiliser…
L’imaginaire :
Vers 12, 13, 14 ans, tu entres dans la période de l’adolescence. C’est à ce moment que tu commences à te sentir attiré par le sexe opposé. Mais franchement, au début ça fait un peu flippé non ? Donc comme on a un peu peur, à ce stade, on se contente de rêver, d’imaginer. C’est moins dangereux ! C’est souvent à cet âge qu’on raconte notre vie et nos amours imaginaires dans un journal intime par exemple. Tu sais le petit carnet que tu planques sous ton lit 😉 Mais comme toutes les peurs, celle-ci demande à être surmontée pour ne pas rester vieux garçon ou vieille fille (vivre seul(e) avec ses 15 chats, son perroquet et son poisson rouge, ça n’envoie pas du rêve.)
Le narcissisme :
Eh oui, on ne peut pas vivre éternellement dans un rêve. Arrive un moment où il faut se sortir les doigts et aller à la rencontre de l’autre. Pour de vrai ! Mais avant, on vérifie qu’on va assurer. Alors devant notre miroir, on va se scruter, s’admirer… Et, comme Narcisse, qui était tombé amoureux de son image, il est fort possible que la contemplation de notre petite personne soit plutôt agréable… « Qui c’est le plus beau, le plus fort, le plus intelligent ? C’est bibi. » Devine d’où vient ta passion pour les selfies ? 😉
Après, ça dépend aussi de l’image que tu as sur toi. Si tu manques de confiance, c’est plutôt l’inverse que tu vas penser. S’aimer est important, car cela te permettra aussi de plaire aux autres. En revanche, fais gaffe à ne pas resté bloqué dans cette phrase, parce que si tu n’aimes que toi, t’iras pas loin !
Le meilleur ami :
L’amour de soi ne suffit pas et on sent bien qu’on a envie d’autre chose, de plus ! Mais là encore, l’autre est différent donc ce n’est pas toujours rassurant. Du coup, on va se rapprocher davantage du même sexe, lier des amitiés fortes avec une personne en particulier, à tel point que parfois, il est difficile de faire la différence entre amour et amitié. Aimer une personne qui te ressemble ou à qui tu désires ressembler te semble plus facile. Cela ne signifie pas pour autant que tu es homosexuel. Si tu l’es, ton attirance envers des personnes de même sexe va probablement se confirmer.
Les amitiés nombreuses :
Puis, de plus en plus, tu vas nouer des liens avec plein de personnes. Tu vas t’ouvrir aux autres et surtout à d’autres gens qui sont différents de toi. Tu sors de l’amitié narcissique qui n’est capable d’aimer que les personnes qui te ressemblent et tu te fais plein de potes, garçons comme filles. Tu as une bande de potes, ça devient presque comme une seconde famille pour toi et la peur que tu ressentais auparavant envers l’autre sexe disparaît progressivement.
L’autre sexe en général :
Alors là, c’est la fiesta ! Le mec découvre que les filles en font, ce n’est pas si mal, la fille comprend qu’elle peut bien s’entendre avec les garçons, et tu commences à aimer le sexe opposé. Alors au départ, t’aimes un peu tout le monde. T’as du mal à choisir, il y en a tellement qui t’attires…
Le stade du « type » :
Puis ton attirance s’affine. Tu commences à savoir ce que tu veux. Tu as des préférences en terme de physiques, mais aussi en terme de caractères. Alors quand tes potes te demandent c’est quoi ton style de garçon/fille, tu leur fais la liste des critères à réunir pour trouver l’homme/la femme qui te fait fantasmer : grand, blond, avec des yeux bleus, gentleman. Tu es limite trop select’ !
Le premier choix :
Ça y est, tu t’es lancé ! Cette fois, tu penses avoir trouvé la bonne/ le bon. T’es sur un nuage et la vie est belle. Tu découvres plein de choses, tu te dis c’est bon, c’est sûr c’est elle/lui, même si le premier amour est rarement le dernier. Mais peu importe, car d’une c’est cool, et de deux t’apprends plein de choses sur ce que tu attends de l’autre et sur l’autre.
L’amour durable
Après ce premier amour qui a fait tomber les peurs de l’approche de l’autre, après parfois d’autres amours qui n’ont pas toujours fonctionné, tu poseras ton choix (peut-être l’as-tu déjà fait !) sur une personne en particulier. Il y a quelque temps tu n’aurais jamais pensé que ce serait lui/elle, alors qu’aujourd’hui il/elle te convient parfaitement ! L’amour durable s’inscrit lorsque vous acceptez l’un et l’autre vos différences, de vous enrichir mutuellement et de vous adapter l’un à l’autre. On est bien loin de l’amour fusion. Pourtant, c’est là que commence la grande aventure de l’amour, celui qui dure.
Ainsi, depuis la fusion de l’enfance, l’homme réalise une lente évolution : il accède à l’amour difficile, mais passionnant du différent. Il devient capable d’aimer quelqu’un qui n’est pas de sa famille, ni de son sexe, ni de son éducation. Il comprend que la différence dépassée est une source merveilleuse d’enrichissement. Mais attention, chaque personne dans sa maturation ne passe pas obligatoirement par tous les stades. L’essentiel, c’est la progression vers l’amour du différent. C’est de ne pas rester figé à un stade qui aurait dû être dépassé.
Et toi alors t’en es où ?